L’ulcère gastro-duodénal
L’ulcère gastro-duodénal (UGD), aussi appelé ulcère de l'estomac, est une maladie qui a longtemps été considérée comme chronique, définie anatomiquement par une perte de substance de la paroi de l’estomac ou du duodénum dépassant la muscularis mucosae.
C’est l’une des maladies gastroentérologiques les plus
fréquentes : on estime que 5 à 10 % des habitants des États-Unis
développeront un ulcère gastrique ou duodénal dans leur vie.
Les ulcères duodénaux sont les plus fréquents : on
trouve un ulcère gastrique pour 10 ulcères duodénaux.
Les complications des ulcères diminuent en fréquence, avec l’utilisation de médicaments efficaces sur l’ulcère.
Les mécanismes de l’ulcère gastro-duodénal
L’ulcère gastroduodénal résulte d'un déséquilibre entre
les facteurs d'agression (sécrétion acide et pepsine) et les facteurs
de défense de la muqueuse (mucus, bicarbonates, flux sanguin). Plus
précisément, un déséquilibre entre la sécrétion acide (contenant
l'acide chlorhydrique HCl) de l'estomac et la qualité de la barrière
muqueuse provoque une lésion. Les ions acides H+ (l'ion est
un atome ou une molécule portant une charge électrique) sont sécrétés
par des cellules pariétales de l'estomac. Ces ions passent dans la cavité
de l’estomac grâce à un mécanisme biochimique complexe appelé pompe à
protons.
Un certain nombre de facteurs augmentent cette sécrétion acide :
- La gastrine qui est produite par des cellules gastriques près du pylore au contact des aliments ;
- Les fibres nerveuses du nerf pneumogastrique (nerf vague ou X° paire crânienne ayant une activité cholinergique) qui stimulent aussi bien les cellules sécrétant les ions H+ que la gastrine. L'excitation du vague est produite par la faim (hypoglycémie), la vue et l'odeur d'aliments appétissants.
- L'histamine qui provoque la sécrétion acide en se fixant sur les récepteurs H2 situés sur les cellules gastriques. L'histamine est présente dans les mastocytes du tissu conjonctif de l'estomac.
- L'arrivée des aliments dans l'estomac ;
- L'hypoglycémie ;
- Les acides biliaires ;
- Le tabac ;
- La stimulation nerveuse vagale par le nerf pneumogastrique, à l'occasion d'un stress par exemple ;
- La fragilité de la muqueuse (parfois favorisée par certains médicaments) qui joue toutefois un rôle plus important dans l’ulcère de l'estomac ;
- Le terrain psychologique anxieux ;
- Des facteurs hygiéno-diététiques : le tabac surtout et peut-être le café. L'alcool et les régimes alimentaires ne semblent pas en cause de façon directe ;
- Des facteurs génétiques : groupe HLA B5...
Les prostaglandines, au contraire, semblent jouer un rôle important dans la régulation de l'équilibre entre facteurs d'agression et facteurs de défense. Elles inhibent la sécrétion gastrique acide favorisée par les facteurs la stimulant (histamine, gastrine, acétylcholine, aliments...). Elles protègent également la muqueuse gastroduodénale contre les agents nocifs (cytoprotection).
L’ulcère implique le plus souvent une bactérie,
l’Helicobacter pylori. Cette découverte fortuite est due à J. Robin Warren et
Barry J. Marshall et leur a valu le prix Nobel de médecine en 2005. Cependant,
d’autres facteurs en facilitent la survenue comme le stress des patients de
réanimation ou certains médicaments.
Les symptômes de l'ulcère gastro-duodénale
Dans sa forme typique, l'ulcère duodénal entraîne des douleurs
qui prennent la forme de crampes, brûlures, torsion dans la région du creux de
l'estomac et sous les côtes à droite. Ces douleurs irradient en ceinture
ou vers le dos. Elles sont rythmées par les repas : elles
apparaissent une à quatre heures après et persistent jusqu'au repas
suivant. Elles sont calmées par l'alimentation. On dit que ces douleurs
ont un "rythme à trois temps" : alimentation -
intervalle libre - douleur. Ces douleurs évoluent par crises d'une
quinzaine de jours et se répètent une ou plusieurs fois par an :
il y a donc une double périodicité journalière et annuelle.
D'autres symptômes sont fréquemment associés :
- Nausées ou des vomissements ;
- Troubles de la digestion (dyspepsie).
Les symptômes ne sont malheureusement pas toujours
aussi évidents et le médecin doit songer à un éventuel ulcère devant
une simple gêne. En effet, celle-ci peut évoquer aussi bien une affection
de la vésicule biliaire, du pancréas, de l’intestin ou même une
maladie cardiaque, d'autant que le symptôme de la double périodicité peut être
absent. Seule la fibroscopie, réalisée au moindre doute, peut
affirmer le diagnostic.
Parfois, l'ulcère duodénal n'entraîne aucun trouble et ne se révèle que par ses complications :
- Hémorragie digestive ;
- Perforation de l'ulcère avec péritonite ;
- Sténose du pylore ;
- Anémie inexpliquée.
Certains ulcères ne provoquent aucun symptôme, notamment chez les personnes âgées, les diabétiques, les patients sous anti-inflammatoires non stéroïdiens ou sous traitement d'entretien de la maladie ulcéreuse. Encore une fois, seule la fibroscopie permet de les diagnostiquer.
Examen et analyses complémentaires :
La fibroscopie
gastro-duodénale permet de voir les ulcérations et
d'effectuer une biopsie des parois de l'ulcère.
Le T.O.G.D. (transit
oesogastroduodénal) a perdu de son intérêt depuis
la mise au point de la fibroscopie. Il permet, d'une part, de voir
l'ulcère et d'autre part, de détecter des signes radiologiques indirects.
Le tubage gastrique est
parfois effectué ; il met en évidence une hyperacidité.
Parfois, le tubage évoque un syndrome
de Zollinger-Ellison.
Eradication d'Helicobacter pylori :
Le traitement associe 3 médicaments pendant une semaine :
- Inhibiteur de la pompe
à protons (IPP) : Oméprazole ou autre ;
- Amoxicilline + clarithromycine OU Amoxicilline
+ Métronidazole.
Le résultat est contrôlé après un mois (endoscopie avec biopsie
ou test
respiratoire). Après éradication, l'ulcère
ne récidive pas en général mais certains cas rechutent après 6
mois.
Les conseils hygiéno-diététiques sont
importants mais pas toujours aussi faciles à respecter qu'une prise
médicamenteuse :
- Repos physique et moral (diminution du
stress au sens large) ;
- Arrêt définitif, ou tout au moins, réduction de la consommation de cigarettes. De toute façon, ne pas
fumer après la dernière prise de médicaments le soir.
- Limitation de la consommation d’alcool ;
- Diminution de la quantité de café ;
- Prise d'aspirine ou d’autres antis inflammatoires à
éviter (phénylbutazone, Indocid, etc.) ; préférez le paracétamol ou la
glafénine.
Les autres médicaments :
- Les antihistaminiques H2
- Le sucralfate (Ulcar, Kéal) protège la muqueuse gastrique. Une constipation est
possible
- Les antiacides ont une action dans le traitement de la douleur.
- La chirurgie est utilisée dans certaines complications :
- La gastrectomie des 2/3 enlève l'ulcère et une grande partie de
l'antre gastrique où est sécrétée la gastrine qui est le stimulus hormonal de
la sécrétion gastrique. Le rétablissement de la continuité digestive se fait
par anastomose gastro-duodénale (type Billroth I ou Péan) ou gastro-jéjunale
(Billroth III ou Polya, Billroth II ou Finsterer).
- La vagotomie supprime la sécrétion gastrique d'origine
nerveuse par section du nerf pneumogastrique mais a comme inconvénient de
paralyser la motricité de l'estomac qui ne peut plus se vidanger : il y a en
effet un spasme du pylore. Il faut donc obligatoirement assurer
la vidange de l'estomac paralysé par une pyloroplastie ou une
gastro-entérostomie.
- La vagotomie sélective ne sectionne que
les filets nerveux destinés à l'estomac et limite les conséquences fâcheuses au
niveau du foie et de la vésicule biliaire de la section des nerfs
pneumogastriques. Les rameaux nerveux destinés aux autres organes de voisinage
sont respectés. Un geste de drainage de l'estomac est également nécessaire
(pyloroplastie ou gastro-entérostomie).
- La vagotomie hypersélective a remplacé progressivement ces techniques : le chirurgien ne sectionne que les seuls filets des nerfs pneumogastriques destinés à la commande nerveuse de la sécrétion acide. Cette intervention respecte les nerfs qui assurent la motricité de l'estomac et l'intervention de vidange gastrique est devenue inutile. Les séquelles sont minimes, la mortalité très faible (0,3%). Le taux de récidive est de 10%.